Emmerin, patrimoine nature
Accueil Retour

Histoire d'EAUX

En décembre 1863 la commune adhère à l'Agence d’assèchement des Marais de la Haute Deûle. Le projet de création de Cet organisme remontait à 1354 et le Conseil avait refusé d'y adhérer à plusieurs reprises, jugeant trop élevée la Cotisation qui lui était proposée. C'est à l'initiative de l'Agence d’assèchement que fut creusée la rigole d’assèchement des marais et elle participa pour 1/3 à la reconstruction du pont de la Neuve Voie.

Mais c'est dans les années suivantes que se situe un événement qui a marqué l'histoire de notre commune: la concession des "Eaux d'Emmerin" à la Ville de Lille.

Il parait utile de rappeler au préalable l'origine de situation privilégiée d'Emmerin, par rapport à la nappe aquifère.

Depuis WINGLES (Pas de Calais) qui reçoit les eaux des collines d'Artois, jusque Wattignies, existe un réservoir naturel d'eaux pluviales de 19 km de long et de 8 km de large. Ce réservoir est formé par l'imperméabilité du " tun ". Le tun est le nom donné dans le Nord à des couches de terrains calcaires dans la composition desquels interviennent des concrétions phosphatées. Entre la Deûle et les monts d'Ennequin et de l'Arbrisseau, le tun se relève beaucoup et l'étang souterrain se révélait par des sources nombreuses des clairs et des marais. Par suite des travaux d’assèchement et des pompages importants de ces dernières années, les clairs et les marais ne sont plus que des souvenirs, mais pas si lointains pour que bon nombre de nos concitoyens les aient encore en mémoire.

A cette époque existaient donc trois sources principales: celle de la Cressonnière (Chemin de la Neuve Voie), maintenant tarie, la Fontaine Billaut (Chemin des Longs Tours) et la source de Guermanez (Chemin " Vu Madame "). C'est cette dernière dont la ville sollicitait l'achat en 1865 dans le but de l'utiliser à une distribution d'eau potable aux habitants de Lille

Cette demande fut évoquée et examinée dans une réunion du Conseil Municipal le 15 Juillet 1865 et nous ne pouvons mieux traduire les réactions et les inquiétudes qu'elle suscita, qu'en reproduisant intégralement le texte du compte-rendu de cette séance

" Le Maire fait observer à l'Assemblée que la question soulevée est de la plus haute gravité par rapport aux intérêts présents et futurs. Qu'en effet la source de Guermanez est la seule qui fournit aux habitants circonvoisins dans les puits et pompes desquels l'eau a déjà baissé depuis les opérations de dessèchement et où elle se tarirait Si elle était détournée par des eaux qui s'emporteraient à Lille ".

La délibération qui suivit aboutit aux conclusions suivantes:

" Le Conseil conteste l'utilité publique de l'opération, la source étant un bien communal. il repousse toute proposition d'aliénation de la source, demande l'appui de l'autorité supérieure pour que la ville de Lille ne soit autorisée à ne disposer que de la nappe d'eau découverte à 15 mètres de profondeur exclusivement à toute autre. "

Ce n’était donc pas un refus pur et simple, puisqu'il était envisagé de laisser puiser dans la nappe. Les craintes exprimées sur un tarissement éventuel des sources peuvent nous paraître peut-être excessives actuellement mais il faut constater cependant que la municipalité avait pris conscience de l'importance de la décision à prendre.

Plus d'un an s'écoula sans qu'apparaisse aucune allusion à ce problème lors des réunions suivantes. Il ne fut pas pour autant absent des préoccupations municipales Si nous pouvons en luger par le débat qui s'instaura lors de la réunion du 22 Octobre 1866.

La façon dont il fut présenté montre qu'une évolution s'était faite dans les esprits puisqu'il n'était plus question du principe de la concession mais des conditions dans lesquelles elle pourrait être accordée..

"  à condition de sauvegarder les intérêts et les droits de la population qui n’est pas hostile de voir l'eau arriver à Lille en plus grande abondance, mais qu'on n'entend pas en être prive. "

La Commune consentirait la concession des eaux moyennant l'engagement suivant:

1) Procurer l'eau gratuitement aux habitants d'Emmerin par l'établissement de bornes fontaines aux frais de la ville de Lille.

2) Permettre des installations intérieures et des branchements aux bâtiments communaux.

3) Etablir une fontaine spéciale à Guermanez.

4) Payer une somme de 30.000 francs.

Nous pouvons raisonnablement supposer que des pourparlers avaient déjà été engagés. entre 1865 et 1866 et qu'ils se poursuivirent après cette date à partir de ces dernières propositions.

Le projet fit l'objet d'une enquête d'utilité publique et nous pouvons penser que la procédure fut accompagnée d'une estimation de l'opération par les services de l’état que nous appelons aujourd'hui le Service des " Domaines "

Nous pourrons constater plus loin que l'évaluation officielle était loin de correspondre aux prétentions de la municipalité.

La décision intervint le 21 Juillet 1867 au cours d'une séance du Conseil, après l'exposé de Monsieur Masquelez, Ingénieur en chef de la ville de Lille, indiquant le désir de celle-ci d'acquérir les sources d'Emmerin et la propriété de 38 ares 24 pour l'installation des aqueducs d'amenée d'eau et donnant le choix entre deux propositions:

une somme de 20.000 francs contre renoncement à toute réclamation concernant un abaissement éventuel de la nappe d'eau.

ou 4.000 francs avec prise en charge par la ville de Lille des travaux nécessaires pour assurer l'eau aux habitants d'Emmerin, soit en approfondissant le puits, soit en établissant une canalisation et pompes.

Les avis étaient partagés au sein du Conseil et la première proposition ne fut adoptée que par 9 voix contre 6 pour la seconde.

Faut-il déplorer que la commune n'ait pas été desservie en eau potable à cette occasion ? Avant de porter un jugement, il faudrait pouvoir s'imprégner de la façon de concevoir les choses à cette époque. Il est certain que chacun avait pu réfléchir et se faire une opinion à ce sujet pendant les deux années qui s'étaient écoulées entre la première demande de la ville de Lille et la décision finale.

D’autre part, les autorités supérieures avaient certainement tenu compte davantage des besoins d'une grande ville plutôt que des exigences d'une petite commune qui, en fin de compte, n a eu que l'alternative de choisir entre les deux propositions formulées par le demandeur.

Et puis, il faut avouer que l'équipement proposé n'avait rien d'une adduction d'eau telle que nous pouvons la concevoir aujourd'hui, ni même telle qu'elle avait été souhaitée par la municipalité. En définitive, en prenant comme éléments de comparaison le coût des travaux du moment, on peut en conclure que la somme de 20.000 francs ne représentait qu'une indemnité relativement faible pour une aliénation de cette importance.

Une page de l'histoire d'Emmerin était tournée quelques années seulement avant la guerre de 1870. Aucun commentaire sur ce conflit, aucune allusion à l'abdication de Napoléon III qui suivit la capitulation de Sedan et à la proclamation de la République en Septembre 1870.

Comment expliquer ce silence ? Peut-être parce que notre région était un peu à l'écart du théâtre des opérations qui ne se déroulèrent pas sur un front continu comme en 1914. Les combats les plus proches concernèrent l’armée du Nord commandée par le Général Faidherbe qui battit les Prussiens à Bapaume, mais qui fut ensuite battue à Saint-Quentin.

Seule, une réunion du Conseil fin décembre 1870 mentionne l'achat de capotes pour les mobilisés, par suite de l'hiver rigoureux et décida également du contingent communal dans les dépenses de mobilisation.

Il ne semble pas que cette guerre ait fait des victimes parmi la population de la commune, Emmerin entrait donc sans trop de heurts sous nouveau un régime : la Troisième République.

Eugène LEJEUNE

Photo de l’usine des eaux de l’époque