LE
MARAIS
Extrait
d'une étude par le Centre Régional de Phytosociologie / Conservatoire Botanique
National de Bailleul pour le Syndicat Mixte du Parc de la Deûle
1.
GENERALITES
Ces marais occupent une
zone basse de la vallée de la Deûle où l'altitude varie de 15 à 20 mètres. Le
site d'étude est localisé au sud de l'agglomération lilloise. Il est adossé au
Canal de la Deûle et s'étend sur le territoire de deux communes, Emmerin et Haubourdin.
Ils ont été largement
plantés de peupliers, surtout sur le territoire d'HAUBOURDIN.
Les couches géologiques
superficielles sont des alluvions constituées d'argiles avec des graviers, de
la tourbe et parfois des granules de craie. A l'ouest du marais d'HAUBOURDIN,
cette formation atteint une épaisseur de 15 mètres et 5 mètres seulement au
centre du marais d'EMMERIN.
Ces alluvions reposent
sur la craie blanche sénonienne. Les sols sont peu acides et très riches.
Les essences naturelles
potentielles sont principalement le frêne commun, le chêne pédonculé, le
merisier, l'aulne glutineux et les saules.
Cet ensemble renferme
plusieurs habitats écologiques remarquables comportant au total une vingtaine
d'espèces végétales remarquables.
2.
GÉOMORPHOLOGIE
Les "marais"
d'Emmerin et d'Haubourdin occupent une zone basse de la vallée de la Deûle,
dont l'altitude varie de 15 à 20 mètres. Le relief est globalement plat,
typique d'un contexte de plaine alluviale, avec cependant une microtopographie
travaillée pour l'essentiel par l'homme (canaux et fossés de drainage, trinquis, étangs, etc.). Les dépressions inondables doivent
avoir une origine plus naturelle.
3.
GÉOLOGIE ET PÉDOLOGIE
Les substrats
géologiques superficiels sont essentiellement représentés par des alluvions
récentes ("alluvions modernes" d'après la carte géologique
disponible), constituées d'argiles avec des graviers, de la tourbe et parfois
des granules de craie. Les alluvions, reposent sur la craie blanche sénonienne.
Ils atteignent une hauteur de 15 mètres à l'ouest du Marais d'Haubourdin (au
plus près du canal de la Deûle) et seulement 5 mètres au centre du marais
d'Emmerin. Ces substrats devaient avoir, dans le passé, une nature tourbeuse
beaucoup plus prononcée d'après la description qu'en ont fait les botanistes
["Marais tourbeux d'Emmerin ..." (GODON, 1909)] et le contenu des
listes floristiques publiées au début du siècle. Les sols devaient ainsi
présenter une richesse très élevée en matières organiques, avec une
minéralisation lente et insuffisante pour absorber les apports annuels.
L'assèchement a progressivement favorisé la minéralisation et la transformation
de ces sols tourbeux en sols., hydromorphes
minéralisés, de plus en plus eutrophes au fur et à
mesure de l'intensification des activités humaines et de la baisse généralisée
du niveau moyen des eaux de la nappe superficielle.
Ainsi, les sols sont
actuellement peu acides et très riches en éléments azotés et en substances
nutritives (substrats à dominante eutrophe). Ils sont
constitués en majorité d'un Pseudogley engendré par
un battement de nappe horizontal, Le sol à pseudogley
cède localement la place à un sol à gley lorsque
l'engorgement devient important et constant (niveaux topographiques, les plus
bas). Les litières sont très réduites, voire quasi inexistantes.
D'après la carte
géologique, le site d'étude est fidèlement encadré par des terrains limoneux
qui reposent également sur la craie blanche, ce qui explique historiquement
leur valorisation agricole (sols drainants non engorgés), alors que les
"marais" étaient laissés sans usage (mosaïque de marais tourbeux et
de boisements difficilement valorisables). Ces limons font une étroite
incursion au sud du site d'étude (périmètre de la route "Emmerin - Ancoisne") et site du secteur d'Emmerin (lieu-dit
"le Plat Joncs" et une partie de "la Carperie").
4.
HYDROGRAPHIE
Le réseau
hydrographique, dont le fonctionnement était initialement caractéristique d'une
large vallée alluviale (lit majeur inondable de la Deûle), a été totalement
bouleversé par l'homme, notamment suite à de nombreuses opérations de drainage
(fossés, trinquis). Mais l'action décisive reste la
canalisation forcée de la Deûle qui a supprimé la possibilité d'inondation
périodique du système alluvial du lit majeur (marais et boisements).
Ces aménagements
anthropiques successifs ont abouti à un ensemble complexe de systèmes toujours
en eau (pièces d'eau, chenaux d'écoulement) et de systèmes inondables seulement
une partie de l'année (dépressions inondables)
- des étangs en eau
permanente (étang, public et étangs privés)
- un chenal de drainage
de gabarit moyen, restant en eau toute l'année (ce chenal traverse
longitudinalement le secteur d'Emmerin avant de se jeter dans le Canal de la
Deûle)
- des fossés de
drainage, asséchés en été
- une grande dépression
inondable sur le secteur d'Emmerin, s'asséchant au cours de l'été
- de nombreuses
dépressions secondaires, dispersées et de dimensions variables, plus ou moins
inondables ;
- enfin, le système des trinquis dont certains, particulièrement accusés et
topographiquement bas, peuvent faire l'objet d'une inondation au cours de la
période hivernale. C'est ainsi qu'à l'issue des fortes précipitations de la fin
1998, l'eau a débordé du chenal d'écoulement pour venir inonder les creux de
certains trinquis transversaux situés au contact des
berges.
5.
INFLUENCES HUMAINES
Comme cela a déjà été
dit, l'homme a cherché à maîtriser le plus loin possible la nature. Cela s'est
traduit en particulier par les plantations successives de peupliers du Canada
en substitution aux groupements forestiers alluviaux d'origine, avec mise en
place des trinquis (surtout sur le territoire
d'Haubourdin), et par la conversion des espaces humides en espaces cultivables
ou pâturables par drainage intensif. Seules quelques zones ont été épargnées,
qui couvrent toutefois de faibles superficies.
Une autre Influence de
l'homme s'est traduite par la conduite en taillis des essences, indigènes
conservées, avec la particularité d'un recépage (= coupe des brins de taillis)
réalisé à hauteur anormalement élevée par rapport à la coutume. En particulier,
les frênes communs recépés présentent parfois des souches à 20-40 cm du sol.
Cette singularité sylvicole pourrait être liée à l'inondation périodique
ancienne de certains secteurs, mais cette hypothèse demande à être confirmée.
La flore a connu des
bouleversements radicaux, à considérer comme irréversibles. On a assisté à un
glissement spectaculaire des cortèges floristiques depuis les groupes d'espèces
oligo-mésotrophes vers les espèces eutrophes à nitrophiles, glissement qui s'est traduit par
des pertes considérables en terme d'espèces remarquables.
Il subsiste cependant,
sur le plan paysager et écologique, une diversité relativement importante de
types d'habitats, avec des végétations herbacées, préforestières
et forestières souvent en mosaïque. Mais leur qualité patrimoniale est limitée
: il s'agit de communautés relativement communes à l'échelle régionale, souvent
fortement rudéralisées et artificialisées, avec des
structures et des cortèges floristiques dégradés et/ou fragmentaires. Cette
qualité actuellement médiocre pourrait toutefois être améliorée par une
restauration et une gestion conservatoire raisonnées, dont les axes principaux
seraient les suivants :
- reconversion des
peupleraies artificielles en boisements "naturels" irréguliers, avec
étalement dans le temps des coupes d'abattage pour amortir l'impact paysager ;
- restauration /
amélioration des biotopes aquatiques et des dépressions inondables
- diversification des
lisières forestières ;
- diversification et
"amaigrissement trophique" des espaces herbacés mésophiles, par
fauche périodique exportatrice principalement.
6.
CONCLUSION
En conclusion de cette
brève présentation générale, les Marais d'Haubourdin et d'Emmerin offrent au
regard du visiteur un paysage relativement diversifié sur le plan structural,
avec des mosaïques de cultures, de prairies, d'ourlets hygrophiles, de
végétations arbustives et de boisements divers (peupliers seuls, en mélange avec
d'autres feuillus, frênaies, ormaies, etc.). Cependant, il s'agit d'un paysage
très artificialisé, appauvri sur le plan biologique, et dégradé par rapport à
ses potentialités